29 déc. 2008

Crise au proche-orient : retour sur les origines de la crise et hypothèses sur l’évolution possible du conflit.

Par CHRISTOPHE AYAD DELPHINE MATTHIEUSSENT et JEAN-PIERRE PERRIN

En quittant unilatéralement la bande de Gaza et en démantelant les colonies à l’été 2005, Ariel Sharon avait voulu se débarrasser d’un territoire sans intérêt stratégique ni religieux pour Israël, pauvre et exigu, où s’entassent 1,5 million de Palestiniens sur 362 km2 - la plus forte densité au monde - est devenu la place forte du Hamas, radicalement hostile à Israël.

Qui a commencé?

Le Hamas a pris la décision, le 18 décembre, de ne pas renouveler la tahdiyeh (la période de calme) de six mois conclue avec Israël. Cette rupture a rapidement été suivie par le tir de dizaine de roquettes et d’obus de mortiers, provoquant l’attaque israélienne de samedi. En fait, cette trêve, plutôt bien suivie pendant quatre mois et demi, n’était plus vraiment respectée depuis le raid israélien du 4 novembre qui avait tué six membres du Hamas. Cet acte de violence avait entraîné une réaction en chaîne : riposte à coups de roquettes du mouvement islamiste et renforcement du blocus israélien de la bande de Gaza, qui a encore aggravé la situation humanitaire déjà très critique dans l’enclave palestinienne. Selon Khaled Mechaal, le chef du mouvement islamiste en exil, ce sont ces assassinats et ce blocus - qui touche 1,5 million de personnes - qui ont conduit le Hamas à ne pas reconduire la tahdiyeh. Si le Hamas a effectivement engagé les hostilités, l’Etat hébreu porte néanmoins une très large responsabilité dans la rupture de la trêve. Celle-ci lui a d’ailleurs servi à préparer son opération militaire. Selon le quotidien israélien Haaretz, les préparatifs ont même commencé six mois plus tôt, alors que le Hamas et Israël négociaient une trêve avec l’aide de l’Egypte. Ehud Barak avait alors demandé à ses services de renseignements de recenser les sites des forces de sécurité du Hamas et d’autres groupes armés dans la bande de Gaza.

Pourquoi maintenant ?

Israël a voulu profiter de la longue transition entre une administration Bush discréditée, et une équipe Obama pas encore en poste et peu désireuse de débuter son mandat par l’épineux dossier israélo-palestinien, pour frapper un grand coup et affaiblir durablement le Hamas, voire établir de nouvelles règles du jeu. Or les Etats-Unis, bien plus qu’une Europe impuissante et alignée sur Washington au Proche-Orient, sont la seule puissance au monde capable, tout à la fois, d’influer sur la politique d’Israël et d’inspirer suffisamment de crainte à ses adversaires. Deuxième facteur décisif, la campagne électorale israélienne en cours. Tzipi Livni, la candidate du parti aujourd’hui au pouvoir, Kadima, était ces dernières semaines à la traîne dans les sondages de Benyamin Nétanyahou, le chef du Likoud, partisan de la manière forte dans la bande de Gaza. Elle a donc poussé le Premier ministre Ehud Olmert et son collègue de la Défense, le travailliste Ehud Barak, a accélérer la mise en œuvre d’une opération prévue de longue date. On ne peut écarter aussi un timing médiatique opportuniste en pleine période des fêtes. Côté palestinien, le Hamas aussi est en campagne électorale depuis que le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, a annoncé des élections anticipées pour le début de l’année 2009, afin de trancher par les urnes la lutte de pouvoir qui oppose les deux principales composantes du mouvement national palestinien depuis deux ans.

Quels sont les objectifs d’Israël ?

L’objectif immédiat d’Israël en lançant une offensive militaire dans la bande de Gaza est de faire cesser les tirs de roquettes sur son territoire et, pour cela, de détruire les tunnels permettant l’acheminement des armes et munitions. Ce but, maintes fois mentionné par les responsables israéliens, est devenu d’autant plus pressant que le Hamas et les groupes armés palestiniens semblent avoir la capacité d’étendre la portée et la puissance de frappes de leurs roquettes. Depuis le retrait israélien de la bande de Gaza à l’été 2005, des milliers de roquettes ont été tirées vers Israël, en grande majorité des Qassam, à la portée inférieure à 20 kilomètres, qui ont fait essentiellement des dégâts matériels. Ces derniers mois cependant, des roquettes de type Grad et Katioucha ont touché des villes israéliennes toujours plus distantes de la bande de Gaza, plaçant davantage de civils israéliens sous leur menace. Hier matin, le quotidien israélien Yedioth Aharonot titrait : «Un demi-million d’Israéliens sous le feu».

A moyen et long terme, les responsables israéliens font cependant preuve d’une certaine confusion sur les objectifs d’une opération militaire à Gaza. La tentation de provoquer la chute du Hamas, qui a pris le contrôle du territoire palestinien par la force en juin 2007 est omniprésente. La ministre des Affaires étrangères, Tzipi Livni, et le chef de l’opposition de droite, Benyamin Nétanyahou, tous deux candidats à la succession d’Olmert, y ont encore fait allusion la semaine dernière. Aucun d’entre eux n’a cependant précisé quelle solution politique serait adoptée dans le territoire palestinien après une chute des islamistes, qui refusent de reconnaître formellement Israël. Hier, un des porte-parole du ministère israélien des Affaires étrangères a qualifié d’«idioties» les rumeurs selon lesquelles Israël essayerait d’évincer le Hamas et d’étendre l’autorité du Fatah du président palestinien, Mahmoud Abbas, à la bande de Gaza. Les analystes soulignent qu’en l’absence d’alternative politique mûrement réfléchie la réoccupation du territoire palestinien par l’armée israélienne pourrait se traduire par un dangereux vide, propice à un chaos à l’irakienne.

Elle ne serait pas de tout repos pour les soldats israéliens. Selon une source palestinienne, l’attaque israélienne, en dépit de son intensité et de sa violence, n’avait tué hier soir qu’une cinquantaine de miliciens islamistes.

Que veut le Hamas ?

La trêve a permis au mouvement islamiste de se renforcer militairement, notamment grâce à la contrebande qui passe par les tunnels entre Gaza et l’Egypte. Et de mieux préparer à la guerre les brigades Qassam, ses milices armées, qui seraient fortes d’environ 25 000 hommes. Mais elle lui a aussi permis de régner en maître sur la bande de Gaza en éliminant quasiment toute opposition. Ce faisant, le Hamas a continué à s’isoler davantage : aujourd’hui, il n’est plus seulement l’ennemi d’Israël mais aussi celui de l’Autorité palestinienne et de l’Egypte. Et, à cause du blocus israélien qui a commencé dès sa victoire aux élections de 2006, il n’a pu empêcher la paupérisation du territoire palestinien de s’aggraver. Et il n’est pas parvenu non plus à ce que l’Egypte ouvre sa frontière. D’où l’impasse dans laquelle il se trouvait à la veille de l’opération israélienne. Avec, de surcroît, l’émergence de groupes jihadistes beaucoup plus radicaux qu’il se doit de prendre en compte. Les tirs de roquettes sur Israël apparaissent dès lors davantage comme une fuite en avant face à un statu quo difficilement tenable.

Que peut-il arriver ?

Le pire scénario pour Israël, ce serait que le Hezbollah, qui disposerait de quelque 40 000 missiles et roquettes, ouvre un second front dans le nord du pays. Et que, parallèlement, l’Intifada reprenne en Cisjordanie où la situation des Palestiniens, là encore, ne cesse de se dégrader et où le président, Mahmoud Abbas, apparaît plus faible que jamais. Les observateurs occidentaux estiment que, depuis le sommet d’Annapolis, en novembre 2007, le nombre de colonies et de postes de contrôle israéliens a encore augmenté. C’est ce qu’indique également un récent rapport des Nations unies. Les incursions militaires israéliennes n’ont pas non plus diminué.

Pour le moment, rien ne perce sur les intentions du Hezbollah. En revanche, le secrétaire général du parti chiite libanais, Sayyed Hassan Nasrallah, semble avoir bien compris que le maillon faible dans le conflit actuel est la frontière entre la bande de Gaza et l’Egypte. Aussi, a-t-il appelé hier le peuple égyptien à descendre «par millions» dans la rue pour forcer l’ouverture du terminal de Rafah, frontalier de la bande de Gaza. «La police égyptienne peut-elle tuer des millions d’Egyptiens ? Peuple d’Egypte, vous devez ouvrir le terminal de Rafah avec la force de vos corps», a-t-il poursuivi. Il n’est pas sûr, cependant, qu’il soit entendu.

Un scénario moins dramatique serait la négociation d’un cessez-le-feu entre Israël et le Hamas, qui pourrait être suivi d’une nouvelle trêve. C’est ce à quoi s’emploie actuellement l’Egypte.

Source Libération

21 commentaires:

hiler a dit…

A vrai dire, j'avoue mon incompréhension de ce qui se passe dans cette région.
Mais au vu de cette analyse, claire et bien menée, je suis édifié .
L'Israël semble se venger de sa bévue au Liban avec le Hezbollah.Seulement, une opération terrestre menée par l'Israël risque d'entraîner une réaction en chaîne car le Hamas obtiendrait des soutiens.

Anonyme a dit…

La situation dans cette partie du monde est difficile à traiter et c'est la raison pour laquelle j'ai posté cette analyse qui me semblait on peut plus claire et fidèle à l'actualité présente.Je pense à cette guerre de Kippour dont le schéma pourrait se reproduire si il y a une attaque terrestre.Sauf que là, les organisations terroristes des pays arabes voisins feront la guerre contre Tsahal en lieu et place des armées régulières.C'est une fin d'année tumultueuse pour le peuple Palestinien avec qui nous partageons la souffrance et la douleur.Mais il est aussi de rappeler à l'autorité Palestinienne de lutter considérablement à son propre niveau contre l'organisation Extrémiste qu'est le Hamas afin de songer à une paix durable dans ce coin du monde.Le retour au frontière de 67 pourrait être d'un grand apaisement aux palestiniens qui réclame encore des territoires.Il y aura beaucoup à dire sur ce sujet, mais la paix reste toujours et quoi qu'il arrive possible. je veux bien croire!

Bonnes fêtes!

Anonyme a dit…

L'article fait l'historique des relations entre Israéliens et Palestiniens afin de montrer les responsabilités des uns et des autres dans ce qu'il faut appeler désormais une guerre dans cette région du monde. Mais rien ne laisse croire que l'arrêt de cette guerre permettrait la paix.
Il me semble que plus personne ne peut rien pour les Palestiniens mis à part la création d'un état pour ce peuple avec son accord bien sûr. Mais les termes de cet accord seront extrêmement difficiles à trouver au regard de ce qui était le territoire de la Palestine à la création d'Israël et de ce qu'il est aujourd'hui.
Je viens de recevoir dans ma boîte électronique le message d'un collectif qui appelle à l'arrêt des combats tout en montrant par 4 cartes qu'en 2009 la Palestine a presque disparu parcequ'elle se limite à des îlots disséminés et donc non viable comme pays. Si les Etats-Unis, l'Onu et les pays européens conestent cette réalité de fait, qu'ils produisent aux yeux du monde des cartes contraires. Ce n'est pas la première fois que j'entends parler des difficultés des Palestiniens à passer d'une zone à l'autre de ce qu'il faut malgré tout appeler leur territoire.
La bande de Gaza n'a pas de frontière avec un pays voisin autre qu'Israël. Les Palestiniens qui y vivent ne peuvent donc pas se réfugier dans un pays voisin pour échapper à la mort.
L'article de ce journaliste ne parle que d'une situation ponctuelle qui ne peut même pas laisser envisager une solution durable au conflit même en cas d'arrêt des combats. Je crois qu'Israël peut détruire complètement la bande de Gaza et en faire une colonie et cela passera dans l'ordre ordinaire des querelles entre les deux peuples. Je crois personnellemen que personne ne peut rien pour les Palestiniens et il est presqu'impossible de rerouver tous les Palestiniens sur un même lieu pour former une nation.

Anonyme a dit…

Ce qui arrive aux palestiniens de Gaza est la preuve de la carence stratégique des islamistes du Hamas! Israël leur a tendu un piège et ils y sont tombés les deux pieds joints. Depuis le temps qu'ils luttent contre l'Etat Hébreu, ils n'ont ps appris à connaître leurs ennemis.
Je pense surtout que le Hamas n'a pas reconduit la trève car il perd beaucoup de ses soutiens. Et provoquer une attaque de Tsahal éait le bon plan pour attirer les projecteurs et faire d'eux un acteur qui compte dans la diplomatie dans cette partie du monde. Cependant, ils ne s'attendaient pas à une telle férocité de l'opération "plomb durci"... Et personne ne viendra, pas même le Hezbollah, les soutenir , malgré les condamnations de façade; car le Hezbollah lui même sait ce que ça coute d'attaquer Israël de Front. Je pense aussi que le problème des extrémistes palestiniens, comme le disait Golda Meïr, c'est que "la Haine qu'ils éprouvent pour Israël, est plus forte que l'amour qu'ils ont pour leurs enfants"!

Anonyme a dit…

@ St-ralph,et Brym

J'ai vu la carte qui illustre la progression des territoires conquis par l'état d'Israël un peu avant sa création.C'est écœurant! Une solution comme tu dis: la création d'un état palestinien mais ça reste encore compliqué avec le partage des terres.

En tout cas pour cette opération "plomb durci" s'en est vraiment une.Le problème est qu'avec cette violation par le Hamas de la dernière trêve qui n'a duré que 4 mois au lieu de 6, je me demande quelles ont été les motivations qui ont justifiées les tirs de roquettes inattendues vers le sud d'Israël?Ce n'est pas la première fois que l'une des parties adoptent ce genre de procédé en rompant les accords de paix apr des actes de violence.

Quant à Israel,sa réaction jugée "disproportionnée" l'a toujours été depuis la proclamation de sa création par ce vote à l'Onu.On peut comprendre les palestiniens qui souffrent la mort dans l'âme et de leur isolement dans ce lopin de terre qu'est Gaza .Ces gens se battent avec la force du désespoir et Israël ne lâche du lest qu'au compte-goute.c'est une injustice aux yeux du monde.

Cependant, la guerre fratricide entre le Hamas et le Fatah n'arrangent pas la population palestinienne parce que divisés sur les méthodes de lutte.Mais comment faire comprendre à Israël que la radicalité du Hamas voire son extrémisme,ne disparaitra qu'avec la volonté farouche de stopper les colonies tel qu'Ariel l'a démontré au risque de se rendre impopulaire.La paix n'a pas de prix mais à bien y voir elle à un cout!

Anonyme a dit…

Pourquoi le Hamas a-t-il rompu la trêve?
La vérité c'est que cette organisation commence à gêner beaucoup de pays arabes, notamment l'Egypte. Et certaines sources révèlent que le Moukhabarat égyptien (services secrets) a incité les islamistes à attaquer, tout en leur assurant qu'Israël ne réagirait pas; histoire de leur donner une bonne leçon, en laissant Tsahal faire le sale boulot... C'est ce qu'on apelle un "daba guehou". Et comme d'habitude, ce sont les innocents qui paient. En faisant attention, l'on remarque qu'il n'y aucune condamnation officielle ferme d'un pays Arabe. Cela veut tout dire!

Anonyme a dit…

Je suis d'accord avec toi Brym et ta réponse à ma question me convient bien.Et la sévérité de la riposte Israélienne devrait faire réfléchir le Hezbollah qui envisage de venir à la rescousse du Hamas.c'est aussi l'occasion pour Kadima de mieux se positionner pour les prochaines législatives menacées de se voire emporter par la droite dure israélienne.

Anonyme a dit…

Bonjour,
Pour quelqu’un qui passe beaucoup de son temps en Israël, je peux vous dire que cette belle analyse ne relate pas tous les faits. Le raid israélien a eu pour but de tuer des membres du Hamas en préparation d’une attaque terroriste sur Israël.
Dans l’accord non renouveler du tahdiyeh Israël avait le droit de se défendre en cas de préparation d’attaque terroriste. C’est ce qu’Israël a fais. Et le reste est actualité
Olivier N’da
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